Émilie Migault, décoratrice d'intérieur, ouvre son agence EMD en 2011. Sa volonté est d’aider ses clients à créer un univers dans lequel ils se reconnaissent, une ambiance dans laquelle ils se sentiront en harmonie. Très à l’écoute de ses clients, son objectif est de leur imaginer des univers qui leur correspondent et surtout de ne pas imposer le sien. Elle propose un réel accompagnement qualitatif et, aujourd’hui, elle nous dévoile le métier de la déco.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots et le métier de la déco ?
Je m’appelle Emilie Migault, j’ai bientôt 54 ans. Je suis décoratrice d’intérieur depuis 10 ans à mon compte. C’est une reconversion professionnelle car de formation, je suis chimiste et je travaillais pour L'Oréal. J'étais responsable des formulations de rouge à lèvres. Une connexion à l’univers de la couleur mais cela ne nourrissait pas suffisamment ma fibre créative.
J'ai toujours un peu baigné dans le monde de la déco. Mes parents m’ont enseigné une certaine idée du « bon goût ». Très tôt, ils m’emmenaient chiner aux Puces de St Ouen et dans les brocantes. Ils m’ont enrichie d’autres cultures et donc ouvert l’esprit à d’autres univers. J’ai pris des cours de sculpture, de modelage d’où mon intérêt pour l’art, l’esthétisme et l’harmonie des proportions.
J’ai justement repris la sculpture sur pierre, en plus de mon activité de décoratrice, depuis 2 ans.
Enfin, j’ai 3 enfants : Alexandre, Valentine et Justine.
Comment êtes-vous entrés dans le métier de la déco ?
J'ai commencé la décoration après avoir acheté une très grosse propriété que j'ai rénovée et transformée entièrement. De la décoration évidemment mais, à la base, de très grosses modifications structurelles et des constructions. Le garage est devenu la maison d’amis. Nous avons créé une piscine, un tennis et un bâtiment pour accueillir le local technique, la cuisine d'été et une intégration invisible d’un abri de piscine télescopique qui nous est inutile en période estivale. Je me suis occupée de ce chantier avec un architecte qui a repris les dessins que j’avais réalisés.
Souvent, les architectes sont peu présents sur les chantiers et les erreurs ou modifications ne sont pas gérées en direct. J'ai donc décidé de m’occuper du chantier. C’est ainsi que j'ai pris conscience des compétences que je n’exploitais pas et surtout de mon intérêt pour ce métier. J’ai mis beaucoup de temps avant de me lancer. J'étais un petit peu configuré : un diplôme/un travail.
Et puis, une amie, elle-même décoratrice, me disait à chaque fois qu’elle passait à la maison « Écoute Émilie, c'est ton métier, c'est ça que tu dois faire !». L’idée a commencé à germer peu à peu dans ma tête. Quand les enfants ont commencé à être grands, j’ai proposé à cette amie, de travailler avec elle pendant un an, gratuitement. Je voulais me confronter au métier, à mes compétences ou incompétences et voir si j’étais vraiment faite pour cela. Ce fut une expérience enrichissante qui m’a amené à ouvrir mon agence au terme de notre collaboration.
Est-ce que le fait de ne pas avoir de formation ou d'école reconnue a freiné vos clients ?
C’était évidemment ma crainte, vous l’avez compris… Et bien non, pas du tout. Cela ne freine pas les clients. J’ai commencé par aider mes amis à faire des projets pour eux et à les aider dans leur rénovation. Après, il y a eu beaucoup de bouche-à-oreille et, à ce jour, je ne fonctionne pratiquement qu'avec cela. Ce qui freinait mon développement c'était le fait de ne pas avoir de site internet. J’ai donc pris le temps d’en créer un pendant le confinement. Grâce à cela, je peux montrer et donner confiance aux potentiels clients qui me contactent sans connaître mon chant des possibles. Cela m'a aussi permis d’être contactée par la plateforme de mise en relation des professionnels de la décoration et construction « Houzz », pour me mettre en avant dans le 78.
Donc ce qui me freinait réellement, c’était le fait de ne pas savoir comment me mettre en avant auprès de personnes qui ne faisaient pas partie de mon cercle proche. Ensuite, les clients sont sensibles au goût que vous avez, à votre façon de présenter les possibilités et les emmener dans un univers qu’ils espèrent sans arriver à le conceptualiser.
Selon vous quelles sont les qualités requises pour les métiers de la déco ?
La créativité et l’imagination. Ensuite, vient le goût de l’harmonie, l’écoute et la disponibilité. En effet, les clients vous confient leur foyer, leur mode de vie. C’est une partie importante de leur intimité. Ils ont souvent de multiples questionnements concernant le projet, il faut donc pouvoir être là pour les rassurer.
Il y a également l’analyse des tendances. J’essaye de ne pas m’enfermer dans la tendance du moment. Je pense que lorsque des gens font appel à vous, il faut savoir créer pour eux une décoration qui soit un petit peu intemporelle,mais avec des touches de modernité. Cette modernité étant par définition fugace, il faut concevoir un projet qui puisse évoluer dans le temps, à moindre coût. Cela veut dire pouvoir changer les tonalités par touche; remplacer les rideaux ou les coussins par exemple. Il serait dommage que les clients trouvent leur projet démodé ou daté au bout de 2 ans ! En ce moment, tout est tendance scandinave et bois clair. Je ne suis pas sûre que dans quelques années les gens n’aient pas une overdose.
De la chaleur
Il faut donner un peu de chaleur à une pièce. Nous pouvons mettre une ou 2 pièces d’un style un peu plus épuré scandinave, pour la tendance actuelle, qui pourront être changées plus tard. C'est fondamental pour moi.
On ne doit pas imposer un style de décoration ou d'agencement à des clients. Il faut se mettre à leur service, les écouter, comprendre comment ils vivent dans une maison ou un appartement, quelle est la circulation, qui y habite etc. On ne décore pas l’appartement d'une jeune famille comme celui d'un célibataire ou d'un couple. Il faut vraiment comprendre le mode de vie des clients pour s'adapter à leurs goûts, et à leurs besoins. Souvent ils ne savent pas exprimer réellement ce qu’ils espèrent.
On résout leurs soucis en les écoutant et, en allant au-delà de ce qu'ils ont pu imaginer. Les clients n'ont pas cette imagination et cette projection que je peux avoir dans une pièce. J'ai une certaine analyse de l’espace, et lorsque je « scanne » une pièce pour la première fois, il y a plein de choses qui me viennent de façon innée.
Bien sûr après il y a beaucoup de travail derrière. Il faut écouter le client et savoir l’amener vers un projet qu’il n’a pas forcément envisagé. Il y a une confrontation des idées à mettre en place. Ensuite énormément de recherches. Le métier de la déco c'est un travail de fourmi. Il faut chercher les matériaux, les objets et les meubles qui conviennent ; penser des agencements et restructurer les espaces si c’est nécessaire. C'est un travail de longue haleine. La première analyse d'une pièce, il n’y a que ça qui est facile après, c'est beaucoup de travail.
Donc pour vous, le métier doit se réinventer constamment ?
Ah oui ! Surtout, toujours être à l'écoute de ce qui se fait, des tendances, et regarder ce que font les autres. On s'inspire beaucoup des réalisations des autres en allant sur des salons comme Maison et Objet. Être à l'affût de ce qu'il se fait, des nouveaux matériaux, des nouveaux types de construction. Même si je ne suis pas architecte, il faut humer l’air du temps.
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Propos recueillis par Clara Didier
Mise en forme par Coralie Mottu